Certains reprochent à la gauche de n'avoir ni idées ni programme... Peut-être y-a-t-il là aussi de la désinformation !
Reproduite ci-dessous une intervention de Marie-Georges Buffet, à l'assemblée.
Monsieur le président, Monsieur le ministre, Chers collègues,
Après l'excellente intervention de notre rapporteur Daniel Paul, c'est avec une grande détermination, mais aussi avec esprit de responsabilité, que je vous présente cette proposition de loi.
Chacune et chacun d'entre-nous le sait : notre planète est confrontée à une crise d'une ampleur inégalée. Cette crise est d'abord celle d'un système : le capitalisme. Déjà hier par sa dureté, le capitalisme était à l'origine de vies brisées et d'impasse pour l'humanité.
Déjà hier, il était incapable de comprendre et de répondre au défi écologique.
On nous répondait malgré tout : « il n'y a pas d'alternative ; seul le capitalisme peut créer des richesses. »
Ces richesses, il vient d'en détruire, en quelques mois, par dizaines de milliers de milliards de dollars. Il vient de démontrer, par l'ampleur du pillage qu'il organise sur le travail humain, toute son inefficacité et son incapacité à répondre aux besoins de l'humanité.
Et le résultat est maintenant là devant nous.
Je pense aux grands sites industriels touchés ou menacés de plans sociaux d'envergure, dans l'automobile, la chimie, la sidérurgie et bien d'autres secteurs encore. Je pense à toutes ces petites entreprises, ces sous-traitants qui ferment sans que jamais leurs donneurs d’ordre soient responsabilisés ! Coupables oui, mais inquiétés non !
Je pense à ces 30 000 emplois radiés par le gouvernement dans la fonction publique alors que plus que jamais, respecter les droits de nos concitoyens appelle toujours plus de services publics ! Je pense à la jeunesse des intérimaires contraints dès l'automne à l'inactivité, comme à celle des jeunes diplômés confrontés à la précarité et la déqualification de leurs métiers.
Et au-delà de toute cette colère, notre colère, je pense à notre pays qui s'appauvrit encore et encore à force de laisser mourir des pans entiers de notre industrie ; je pense au savoir-faire de ces ouvriers, ces techniciennes, ingénieurs, hospitaliers et chercheuses gâché par les logiques financières ; je pense à l'incapacité qui sera la nôtre demain, si rien ne devait changer, à produire en France des biens et des services dont nous avons besoin pour vivre, échanger et coopérer avec les peuples de tous les continents, nous préparer au monde de demain. Bien sûr, j'entends la petite musique sur la reprise et le retour rapide à la croissance.
Mais comme tous mes collègues signataires de cette proposition de loi et de nombreux économistes, pas une seconde je n'imagine que le marché puisse effacer, comme par magie, le choc brutal qu'il fait subir à tant de territoires de notre pays.
Et pourtant votre gouvernement laisse faire. Et pourtant l'Union européenne laisse faire. Vous laissez faire comme en témoigne le choix d'abandonner en rase campagne, après bien d'autres, l'usine Celanese à ses vautours texans.
Vous laissez faire mais pire encore vous accélérez les politiques qui nous ont menées au désastre : les exemples sont légion, malheureusement, en France comme en Europe. Je pense au projet de règlement du Conseil relatif au statut de la société privée européenne dont nous discuterons cet après-midi. Mais que dire de la fusion des Caisses d'Epargne et des Banques populaires, sans garantie sur les effectifs, sans mission publique, mais avec un nouvel effacement de leurs valeurs mutualistes ? Cette fusion, c'est 5 milliards d'argent public versés pour entériner encore et encore la soumission du secteur bancaire aux logiques financières pourtant à l'origine du scandale de Natixis !
Nous faisons nous le choix inverse. En discutant avec des milliers de salariés cherchant à sauver leur métier et leur emploi, en dialoguant avec des élu-es mobilisé-es pour développer notre potentiel économique, nous avons élaboré la proposition de loi en discussion ce jour.
Nous prenons juste l'initiative. Bien sûr, cette loi heurte de front votre foi quasi religieuse pour le tout marchand et la concurrence libre et non faussée.
Bien sûr, cette loi est inconciliable avec les dogmes auxquels vous voulez soumettre notre pays et toute l'Europe en imposant le traité de Lisbonne.
Mais regardez-le monde réel ; pas comme vos dogmes vous disent de le regarder. Regardez qui aujourd'hui est du camp du développement économique et donc sur qui nos lois devraient s'appuyer pour favoriser le développement durable de la Nation ! Ce sont ceux et celles qui se battent et se mobilisent pour un bouclier social et de nouvelles avancées démocratiques !
Car, chers collègues, celles et ceux qui ont envoyé des délégations ici à l'Assemblée nationale attendent de la loi de la République qu'elle soit du côté des salariés, pas du côté de la finance !
Oui chers collègues, c'est bien le réel qui nous impose aujourd'hui ce choix politique éminemment moderne : reprendre des mains des banques et des marchés financiers la maîtrise de notre économie et donc le pouvoir de faire face à tous les défis qui sont les nôtres. Oui, il est temps de faire et d'inventer autre chose.
Aussi dans l'urgence, l'article premier de cette proposition de loi propose l'interdiction des licenciements dans les entreprises où rien ne les justifie.
Interdire les licenciements. Frapper les plans sociaux de nullité là où ils ne répondent qu'à l'opportunité financière d'actionnaires intéressés, comme à Arcelor Gandrange, à Molex, comme dans toutes les entreprises ayant réalisé des bénéfices, distribué des dividendes, délocalisé leur production ou reçu des aides publiques !
Cette proposition, vous allez la combattre car vos seuls repères sont les dogmes du libéralisme et non l’intérêt du plus grand nombre.
Interdire les licenciements est pourtant le seul moyen dont nous disposons pour stopper net la casse industrielle et casser l'emprise des financiers sur des entreprises d'intérêt national comme Caterpillar, Continental ou Total.
Interdire les licenciements, ce serait la démonstration faite aux financiers que la fête est finie : ils se sont enrichis sur le travail des salariés toutes ces dernières années. Ils ne s'enrichiront pas sur leur licenciement.
Réagir à l'urgence, c'est abroger, avec l'article 4, les exonérations de cotisations sociales et d’impôts sur les heures supplémentaires offertes au patronat dans le cadre de la loi TEPA.
« Travailler plus pour gagner plus » était un slogan de campagne. C'est surtout aujourd'hui un calvaire imposé aux salariés, comme à PSA-Sochaux, ST Microélectronics où le patronat impose l'alternance d'un mois de chômage partiel payé en partie par l'Etat, le mois suivant riche en heures supplémentaires payées aussi par l'Etat.
Abroger la loi TEPA, c'est donc nécessaire pour stopper net cette nouvelle organisation du travail faite uniquement de souffrances sociales et de dividendes supplémentaires payés par les contribuables !
Mais agir en urgence face à la crise, chers collègues, c'est aussi dès maintenant rompre avec les principes de l'économie casino que plusieurs décennies de réformes libérales ont institué en France et dans l'Union européenne.
Aussi nous proposons l'augmentation immédiate du SMIC à 1600 € bruts mensuels avec l'article 5. Et pour tirer l'ensemble de la grille des salaires vers le haut, nous proposons la suppression des allègements de cotisations sociales patronales en l'absence d'accords salariaux à l'entreprise avec l'article 6 et la tenue d'une conférence nationale sur les salaires avec l'article 7 : avec de telles mesures, EDF et GDF Suez auraient enfin commencé à négocier l'augmentation des salaires des électriciens et gaziers !
D'autres mesures, parmi lesquelles la suppression immédiate des franchises médicales proposée à l'article 12, doivent contribuer à soutenir le pouvoir d'achat : dans un pays comme la France, il est intolérable que des hommes et des femmes renoncent à se soigner par manque de ressources.
Et augmenter les salaires, c'est aussi nécessaire, au-delà de la question du pouvoir d'achat, pour arrêter le détournement de toutes ces richesses vers la spéculation et la finance ! Un euro de plus pour les salaires, c'est un euro de moins pour les dividendes.
Enfin, chers collègues, le dernier enseignement de cette crise est bien d'avancer vers une véritable démocratie économique dans notre pays. Si l'on veut le développement de nos territoires ; si l'on veut que ce développement soit écologique ; si l'on veut que ce développement soit avant tout vecteur de qualité de vie, de bien être au travail et hors du travail ; si l'on veut que ce développement soit celui de toute la société par le progrès et le partage des connaissances, des technologies, de la culture ; si l'on veut tout cela, alors il ne peut plus être question de laisser le pouvoir économique à des actionnaires rivés sur leurs cours de bourse et ignorant donc tout de ces enjeux-là !
C'est pourquoi nous vous proposons, avec l'article 3 de cette proposition de loi, que les salariés disposent d'un droit d’opposition aux projets de suppressions d'emplois de leur employeur.
Adopter cet article serait un premier pas vers la reconnaissance de nouveaux pouvoirs aux salariés à l'entreprise et dans les choix de gestion de celle-ci.
Adopter cet article, plus largement, aiderait à reconnaître de nouveaux pouvoirs aux citoyens et citoyennes dans la maîtrise de notre système financier et de tout ce qui contribue aux choix d'investissement de notre pays qui feront la France de demain.
Adopter cet article serait un pas en avant vers l'économie de demain. Après l'absolutisme royal avec la Révolution française, c'est un autre absolutisme, celui des actionnaires et des propriétaires du capital à l'entreprise, qu'il convient désormais d'ébranler.
Chers collègues, nous députés communistes et du parti de gauche vous présentons cette proposition de loi.
Avec celles de mes collègues Roland Muzeau et Marc Dolez dont nous discuterons plus tard dans la journée, c'est un véritable plan de relance porté par les exigences populaires, un plan au niveau nécessaire pour contrer les logiques qui nous ont enfoncé dans la crise, un plan qui porte le changement auquel aspire notre peuple, que je vous invite à voter !
Je vous remercie.